5︎ ÉDITION
DU 2 AU 30 NOVEMBRE 2024
À PARIS ET EN ÎLE-DE-FRANCE


Photo Days

Galerie Maria Lund

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8/11/2024 – 8/1/2025
vendredi 8/11  dès 18h    rencontre avec l’artiste
mardi 26/11  18h-20h    Les artistes font salon, Paris 9e


Helene SCHMITZ

Studies in Falling



Le titre Studies in Falling de l’exposition de la photographe suédoise Helene Schmitz est tout sauf univoque. En anglais comme en français le verbe fall – chuter – signifie l’acte physique de tomber, mais il nomme également le fait de se détacher de son support naturel, et métaphoriquement de passer dans un état de déchéance. Dans la culture judéo-chrétienne, le substantif Fall – Chute désigne l’exclusion de l’Homme du Paradis. D’entrée, Studies in Falling communique ainsi un rendez-vous aux sujets divers, à la fois pragmatique, symbolique et transcendant.

Inspiré par la peinture Falaises de craie sur l’île de Rügen peinte en 1818 par la figure de proue du romantisme allemand Caspar David Friedrich, Helene Schmitz s’est rendue à l’île de Rügen face à la côte nord de l’Allemagne dans ce qui est aujourd’hui le parc naturel de Jasmund.

La peinture de Friedrich montre une femme de profil et deux hommes de dos, se tenant en haut d’un plateau où les arbres s’ouvrent pour découvrir une vue plongeante sur les falaises et la mer. Les figures sont dans la contemplation face aux pics de craie qui luisent d’une lumière puissante et aveuglante. Comme toujours chez Friedrich, les personnages vus de dos entraînent les yeux du spectateur vers ce qu’ils regardent – la falaise, puis la mer et l’horizon : l’immensité d’une nature dramatique. La grande beauté qui émane de ce tableau est pourtant teintée de la fragilité et de l’effroi qu’inspire la falaise pouvant s’effondrer. Cette dualité de sentiments répond aux émotions des personnages qui, face à l’infini qu’ils surplombent, oscillent entre fascination et vulnérabilité, appartenance et solitude.

Avec la série de photographies Studies in Falling, Helene Schmitz a fait le choix d’inverser la perspective et de regarder de face l’emplacement des protagonistes de Friedrich. Depuis un bateau, elle a photographié la falaise – ce mur calcaire au relief prononcé, bordé en surface d’une forêt dense de bouleaux. Par ce changement de perspective, Helene Schmitz évoque, certes, la beauté indéniable de l’endroit, mais s’intéresse également aux matérialités que crée la rencontre visible entre le ciel, la mer et une terre - pas si ferme. Dans l’œuvre Seen from Here (Vue d’Ici) l’aspect précaire du paysage est tangible l'’érosion en cours se lit sur le mur de calcaire, tout comme la chute éminente de plusieurs arbres. La falaise propose une vision entre un monde connu et un monde inconnu. En effet, le calcaire s’étant formé pendant des millénaires par la présence et la mort de microorganismes marins, il constitue un testament du travail silencieux du temps (Extrait de Helene Schmitz : Studies in Falling / The Island, 1.10.2024 “[…] compressed into a solid testament to time’s quiet work”). La falaise se compose ainsi de vies passées, et, matière à son tour sujet d’érosion et de chutes, témoigne du cercle infini des transformations organiques. La photo Bones of the Earth (Les Os de la Terre) est une image horizontale, longue comme une frise, tirée en noir- blanc, montrant la haute falaise à la blancheur d’un os nu sur laquelle s’étend une étroite bande sombre d’arbres. Par le choix du mot os, l’artiste fait allusion à une structure porteuse et donc essentielle pourtant vouée à se transformer. Sa capacité de résistance aux mouvements de la mer, à durée limitée, en fait le miroir de notre existence où tout est sujet à changement.

Dans ses séries antérieures (Sunken Gardens, 2010 – Kudzu project, 2013 – Earthworks, 2014, The Forest, 2015 et Thinking like a Mountain, 2017) Helene Schmitz faisait également allusion à l’éphémère, à la nature comme métaphore. Ces images cherchaient à rendre visible le lien ambigu qu’entretient l’être humain avec son environnement naturel : si la nature symbolise le Paradis perdu et l’harmonie par excellence, l’Homme cherche depuis toujours à la posséder et à la contrôler, pour contrer le chaos. Au rythme de l’évolution technologique, ses interventions et son exploitation de plus en plus violentes de la Terre laissent des traces visibles, telles des plaies ouvertes dans le paysage. Le calcaire n’est pas seulement l’os de la terre, mais également un composant majeur pour créer du béton, à son tour la colonne vertébrale de la construction contemporaine. Si Helene Schmitz a souhaité revisiter la perspective choisie par Friedrich en l’inversant, c’est dans l’idée d’élargir le propos, de nous inviter deux siècles plus tard à regarder autrement.

La vision proposée dans Falaises de craie sur l'île de Rügen transmet l’idée de la futilité de l’Homme, de son insignifiance dans son rapport de force avec la nature et avec le Divin. Le cycle inné d’une nature grandiose, qui se consume et renaît perpétuellement, se couple dans les photographies d’Helene Schmitz à une observation frontale de sa chute précipitée, éclairée par le contexte contemporain. Dans Studies in Falling, lumière et obscurité, vie fossilisée et vie organique s’unissent face à l’infini du ciel et de la mer, qui berce et qui dévore.




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